La surveillance du stationnement : bien au-delà des contraventions – Panel d’expert-e-s
Historiquement, et encore de nos jours, la surveillance du stationnement est peu valorisée, même si elle est essentielle pour nos villes. Elle assure, notamment, la cohabitation des différents modes de transport, la sécurité des citoyennes et citoyens ainsi que l’accessibilité des milieux urbains, tout en appuyant leur vitalité économique.
Dans le cadre de ce cinquième panel de l’Agence, des expert-e-s nationaux et internationaux se sont réuni-e-s afin de discuter de l’importance de la surveillance pour une mobilité durable :
- Magali Bebronne - Directrice des programmes, Vélo Québec
- Éric Gantelet - Président, SARECO
- Pauline Guyomard - Conseillère à la planification du transport, Service du transport et de la mobilité intelligente, Ville de Québec
- Sylvain Sauvageau - Directeur principal, Surveillance et contrôle du stationnement et de la mobilité, Agence de mobilité durable de Montréal
L’évolution de la surveillance du stationnement
Il y a 44 ans, la Ville de Montréal crée la Section d’application des règlements du stationnementlon Sylvain Sauvageau, directeur principal de la Surveillance et contrôle du stationnement et de la mobilité à l’Agence de mobilité durable de Montréal, c’est le taux croissant de délinquance qui aurait motivé cette décision, délinquance alors liée, par exemple, au stationnement illégal et impayé. 30 ans plus tard, cette section est intégrée au Service de Police de la Ville de Montréal (SPVM).
En 2020, l’Agence de mobilité durable de Montréal est créée et prend le relais du SPVM pour les activités de surveillance du stationnement. À ce sujet, Sylvain Sauvageau indique : « Aujourd’hui, notre approche est axée sur le service à la clientèle. On répond aux demandes des citoyens, à leurs inquiétudes en matière de circulation et de sécurité ». Il donne l’exemple des infractions liées aux places réservées aux personnes à mobilité réduite, aux pistes cyclables ou encore aux zones scolaires.
En France, Éric Gantelet, président de SARECO, rapporte un changement important apporté à la gestion du stationnement : « Avant 2018, lorsque le stationnement était géré au niveau national, le taux moyen de paiement était de 20 %. Cette situation a nettement évolué lorsque le contrôle a été transféré au niveau local. On a maintenant des taux de respect qui sont de 70 à 80 % ». Ce phénomène, qui s’observe un peu partout en Europe, prouve selon lui l’incidence que le contrôle du stationnement a sur le respect de la réglementation.
Les technologies qu’utilisent les agent-e-s de stationnement, quant à elles, ont aussi changé depuis l’époque des contraventions rédigées à la main ! Éric Gantelet explique : « La technologie accompagne les agents dans la complexité croissante du contrôle du stationnement et des types de mobilité qui sont à surveiller. » À travers les villes européennes, il observe deux grandes tendances technologiques : l’utilisation du cellulaire comme modalité de paiement du stationnement ainsi que la maturité de la technologie LAPI (Lecture automatisée de plaque d’immatriculation) qui améliorerait de 3 à 4 fois l’efficacité des opérations de contrôle.
À propos de la technologie LAPI, également en développement à Montréal et à Québec, Sylvain Sauvageau ajoute : « Elle va complètement changer le quotidien et l’efficacité des agents de stationnement, notamment pour les infractions liées à la bordure de rue, les espaces tarifés à temps limité ou les vignettes de stationnement sur rue réservé aux résidents! »
Une ville sans surveillance
Nos expert-e-s s’entendent pour dire qu’une ville sans surveillance serait une ville non sécuritaire pour ses citoyen-ne-s et où le stationnement illégal se multiplierait, nuisant ainsi non seulement à la fluidité de la circulation, mais aussi à la vitalité économique des commerces.
Pour Magali Bebronne, directrice des programmes chez Vélo Québec, une ville sans surveillance est une ville où certain-e-s citoyen-ne-s débourseraient plus que d’autres pour des services qu’ils ou qu’elles n’utilisent pas. Elle indique que lorsque les personnes qui choisissent de contrevenir à la réglementation ne paient pas pour leurs infractions, c’est l’ensemble de la collectivité qui en paie le prix.
Dans un autre ordre d’idées, elle ajoute : « C’est aussi une ville où il y aurait une moindre qualité de l’espace public ». À cet égard, Pauline Guyomard, conseillère à la planification du transport pour le Service du transport et de la mobilité intelligente de la Ville de Québec, soutient que l’absence de surveillance du stationnement nuit aux infrastructures publiques installées par les villes. Ces infrastructures disparaîtraient au profit des voitures, qui prennent toute la place qu’on leur donne, au détriment de la mobilité durable.
Elle conclut en affirmant qu’une ville sans surveillance ne pourrait tout simplement pas exister : « Il y a toujours une forme passive de surveillance par les citoyens qui ont certaines attentes et appellent la Ville pour signaler des infractions pour qu’il y ait du contrôle ».
Les défis de la surveillance du stationnement
Les panélistes rapportent que les pratiques et les besoins en mobilité se multiplient et se complexifient ; il y a de plus en plus d’éléments à contrôler et à tenir en compte dans les stratégies de surveillance du stationnement. Les expert-e-s nomment entre autres les pistes cyclables, l’autopartage, les espaces réservés aux personnes à mobilité réduite ainsi que les véhicules électriques. À Paris par exemple, les places dédiées à des besoins spécifiques représenteraient de 30 à 40 % de l’offre de stationnement, un pourcentage qui augmenterait constamment selon Éric Gantelet.
D’ailleurs, Pauline Guyomard explique : « On n’invente pas d’espace, alors il y a toujours des sacrifices à faire. Il en coûte de prendre ne serait-ce qu’une case de stationnement dans certains quartiers ». C’est pour cette raison qu’elle souligne la nécessité de doter les politiques de stationnement d’une vision globale de ces enjeux, afin de déterminer comment intervenir dans chaque secteur, et quels usages prioriser.
Malgré l’importance de la surveillance du stationnement pour les villes et le bien-être des citoyen-ne-s, un autre des grands défis que mettent en lumière les expert-e-s est la perception négative qu’a le public du métier d’agent-e de stationnement, de même que le peu de reconnaissance qui lui est accordée. Néanmoins, Sylvain Sauvageau est optimiste de voir changer les choses dans un avenir rapproché : « Ce qui est rassurant, c’est que je vois que les organisations se préoccupent beaucoup plus de la valorisation de ce métier qu’avant. Le meilleur exemple est ce que nous faisons aujourd’hui avec ce panel! »